Untitled (Submarines)
Si ce n'était du plafond et du cadre de porte, on croirait observer ici une piscine vide. Les proportions de cet espace ne semblent pas justes : on peine même à savoir s'il est grand ou petit. C'est à en devenir claustrophobe. La porte, à droite, semble offrir une voie de sortie; mais j'imagine volontiers que la seule véritable issue soit la trappe au sol. Ceci étant dit, les véritables vedettes de la représentation, outre le mur jaune et brillant, ou le sol en damier, sont indiscutablement les sous-marins. Tous les trois, petits et grand, semblent être en promenade. Cela me rappelle la célèbre exposition "Family of Man", tenue au Museum of Modern Art dans les années 1950, que plusieurs d'entre nous considéraient comme excessivement sentimentale. Je ne mens pas lorsque je dis que ce lieu est exactement tel que je l'ai trouvé.
Sur l'épreuve photographique, les silhouettes sont d'un noir profond et laineux, aussi riche que le pigment d'une des premières sculptures d'Anish Kapoor. On se sent presque aspiré dans un trou noir. Il est même possible d'appréhender la distance qui sépare la "famille" du mur couvert de carreaux de céramique brillants. Je ne sais pas pourquoi, ni même si cela a une quelconque importance, mais la noirceur de des sous-marins me coupe le souffle. Il me semble stupéfiant qu'on puisse donner une impression d'infini avec si peu de moyens.
Cette photographie s'apparente à certaines de mes oeuvres dans lesquelles on a presque l'impression de pouvoir pénétrer. Il s'agit d'une qualité qui caractérise également la peinture baroque. Le spectateur y est appelé à investir la représentation sur le plan physique autant que psychologique. Emprunter aussi bien au baroque qu'à l'art actuel ne m'a jamais semblé problématique. Cela reflète mon itinéraire particulier; il diffère probablement de celui de bon nombre d'artistes plus jenes, mais je ne saurais procéder autrement.
Cette photographie n'a pas de grandes prétentions politiques ou sociales. Dans mon oeuvre, on ne trouve aucun extème; ni de grandes souffrances, ni de joie débordante. Cela ne veut aucunement dire que la condition humaine ne me préoccupe pas, au contraire. J'aime à penser que mon travail contribue quelque peu, et de manière indirecte, à rendre le monde meilleur.
Catalogue "Lynne Cohen - Faux Indices" - Exposition au Musée d'art contemporain de Montréal - du 7 février au 28 avril 2013 / Lynne Cohen & François LeTourneux (Page 38)