Pour réaliser Se Souvenir de la Lumière, leur plus récente vidéo à double écran, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ont plongé dans les eaux de la Méditerrannée, montrant les fonds marins comme un paysage de ruines sous-marines où l'histoire se serait échouée. Ici, le temps semble s'être arrêté. Mais c'est également un lieu où la lumière et, par voie de corollaire, l'image telle que nous la connaissons sur la terre ferme sont soumises à des lois phyiques différentes. Sur l'un des deux écrans un foulard aux couleurs vives s'enfonce doucement sous l'eau. En coulant vers les profondeurs, il croise un banc de poissons, un tank, une ambulance et une épave de navire posée au fond de la mer : traces de guerre, de vie, de travail. Il fait office de guide dans une chronologie embrouillée d'événements qui se sont déroulés à la surface.
L'autre écran nous montre le rivage d'une ville côtière filmé à travers les vagues, la ville et le ciel rouge sang rappelant l'horizon d'En attendant les barbares. Une vue du ciel traversé par un vol d'oiseaux précède les visages filmés en gros plan de cinq personnes embarquées sur un canot pneumatique, qui nous rappellent les archives cinématographiques de navires croisant au large de la côte égéenne d'ISMYRNE et les tentatives plus actuelles d'échapper aux zones de guerre en traversant la Méditerrannée.
On ignore qui sont précisément ces personnes et quelles sont leurs relations les unes aux autres, ou ce qu'elles font sur cette embarcation. Viennent-elles de cette ville dont on ne précise pas le nom et qu'on aperçoit au loin ? Cherchent-elles à la rejoindre ? Elles ont l'air de méditer, plongées dans leurs pensées, n'exprimant rien de la bonne humeur des vacanciers, ni de l'appréhension des réfugiés.
Catalogue Joana Hadjithomas Khalil Joreige, Two Suns in a Sunset, édition Koening Books Ltd, 2018