Description de la photographie
A Coherence of Instinct
En biologie, la reconnaissance du sexe d'un animal diffère de celle des humains. Le mâle et la femelle savent se reconnaître instinctivement dès le premier coup d'oeil. C'est l'essence de la biologie. Lorsqu'un humain se tient debout, il est impossible de déterminer son sexe. C'est pour reconnaître la femme que l'homme lui attribua des seins opulents. Les seins se substituent à l'organe génital. Donc, dans l'imaginaire collectif, le pénis se situe entre les seins. Ceci est la description de la photographie de Noritoshi Hirakawa : A Coherence of Instinct.
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'Urgence', Collection du capcMusée d'art contemporain de Bordeaux, 1996
Noritoshi Hirakawa, devient artiste pour surmonter sa difficulté à accepter la société, tout autant que pour combattre sa timidité.
J'avais besoin d'être un artiste à cause des problèmes d'identité que je rencontrais dans la société où j'étais?
Noritoshi Hirakawa, in Neuvièmes Ateliers Internationaux des pays de Loire, FRAC Pays de Loire, Clisson, 1992, p.9
Concevant son travail artisitque comme un champ de propositions expérimentales, l'artiste voyage à la recherche et à la découverte des éléments sociologiques sur lesquels il s'appuiera. L'obscénité, et plus particulièrement la provocation sexuelle, est un de ses sujets de prédilection. Il éprouve ainsi le comportement du regardeur, aux limites de l'inacceptable.
Cette attitude critique l'oblige à expérimenter en terrain réel ses propres investigations. Pour cela il utilise les supports visuels les plus quotidiens de notre époque tels que le téléphone, la vidéo, la photographie, etc.
Hirakawa expose son travail à Tokyo dès 1988. A partir de 1990, plusieurs séjours l'amènent en Europe (particulièrement à Amsterdam où il séjournera). Il présente son travail à Paris pour la première fois en 1992, dans une exposition intitulée 'Je veux être amoureux de vous, (MaGalerie, Paris, 1992)'. Dans cette exposition, il propose notamment, les photographies provocantes de la série 'Dream of Tokyo', portraits de femmes japonaises anonymes qui posent accroupies dans des lieux publics.
Dans 'Dialogues for the time being for being', un thème unique structure la série de huit photographies créées à New York : une enquête à la fois intime et discrète sur le mode de vie de femmes vivant seules. Dans cette oeuvre, Hirakawa représente des intérieurs meublés, jonchés d'objets et de vêtements personnels, traces d'une présence invisible. Ces images vides, intimes, d'une certaine condition féminine dans la mégalopole américaine piègent simultanément et doublement notre regard par l'essence d'une représentation que le miroir ne peut réflechir. Chaque photographie est accompagnée d'une indication de temps, de lieu, d'éléments descriptifs sur les locataires absents, une sorte de documentaire qui accentue l'esprit sociologique du travail.
Existe-t-il un critère pour déterminer ce qu'est l'actualité? Généralement, le public pense que l'art contemporain n'a plus aucune valeur d'actualité. Nous sommes dans une période de transition? A ce sujet, il faut prendre en compte les bouleversements biologiques qui affectent notre manière de percevoir et de sentir. La fonction de l'art change aussi, au même rythme que les relations entre nos instincts intimes et les institutions ou les médias, quoique le mot "art", lui, ne change pas. On peut établir un parallèle avec les relations qu'entretiennent dans nos organismes les cellules et les virus. Faire de l'art signifie rendre publique une proposition absolue, influençant le regardeur qui l'expérimente. Cette reconnaissance par le public, proche de la catharsis, peut produire un effet d'actualité, mais à long terme, et sur peu de gens. Le rôle de l'art consiste à inventer des propositions qui élargissent le registre de nos motifs de perception. Même si l'art continue de tabler sur la pure subjectivité individuelle, il va de plus en plus s'attacher à décrire le contexte phénoménal de la société. Je produis des oeuvres à partir du postulat qu'il s'agit du meilleur moyen de rendre publique mon expérience du monde, et d'en faire un champ de propositions.
Tout mon travail se situe en fait entre ces propositions et les réactions du public : l'actualité n'apparaît pas dans un travail, mais dans l'expérience qu'en a le regardeur. Il est d'ailleurs presque impossible de le comprendre à travers des photographies? Celle qui documente 'placebo is missing', montré à Amsterdam il y a deux ans, représente le public en train d'écouter : il s'agissait d'une pièce sonoren composée de tous les 'sons inconscients' de la Ville (voitures, etc.), amplifiés par des micros-contacts. Ce travail concerne la différence qui existe entre l'âge mythologique et le monde contemporain, les substituts (objets ou systèmes), que le capitalisme produit afin de remplir le vide (la lacune) qui sépare les actions et les représentations.
Nicolas Bourriaud, Entretiens avec Noritoshi Hirakawa, 'Can Art deal with the current social set-up', in Documents pour l'art contemporain, n°1, Paris, octobre 1992.