Lynne Cohen / Estate


Depuis 30 ans, le travail photographique de Lynne Cohen se développe de façon radicale à travers des images d'espaces à l'apparence quasi-fictionnelle, et où la présence humaine se manifeste par son absence.


Celle-ci est implicite par la reconnaissance d'objets usuels et surtout dès que l'on sait que tous ces lieux existent et qu'ils sont utilisés.


Ces intérieurs ne sont pas issus de l'imagination de l'artiste, ils sont tous des lieux trouvés.


L'oeuvre de Lynne Cohen joue volontairement de l'ambiguïté entre ready-made et installation, entre le lieu trouvé et le lieu aménagé.


Après ses premières oeuvres à l'esthétique très kitsch, et dès les années 80, Lynne Cohen orchestre une typologie de lieux, devenue emblématique de son oeuvre : salles de classe, espaces de travail, salles d'entraînement militaire, écoles de police, établissements thermaux, laboratoires, bibliothèques - autant de lieux auxquels nous prêtons peu attention. En isolant ces lieux et en fixant ces espaces sur ses clichés, Lynne Cohen reconfigure ce terrain familier pour le transformer en oeuvre d'art ; ainsi, le terrain connu nous devient insolite, voire étranger.


En 1998, Lynne Cohen, qui a toujours été réfractaire à la couleur, décide de l'utiliser afin de mettre en exergue sa nature synthétique et chimique, ainsi que ses propriétés qui la rendent aussi peu naturelle que le contreplaqué, l'aluminium ou le polystyrène expansé.
La formation de sculpteur de Lynne Cohen est très évidente dans la qualité monumentale des objets et des lieux qu'elle choisit et dans le rendu précis de la texture des matières.


Elle souligne cette dimension sculpturale en exposant ses tirages dans des cadres en formica qui renforcent la qualité objectale des images.


 


LYNNE COHEN PAR ANDREA BLUM


"J'ai découvert le travail de Lynne Cohen à la Galerie des Archives à Paris il y a quelques années. Son travail m'a emmenée dans un monde parallèle entre l'univers de Stanley Kubrick et Ansel Adams et j'admets avoir soudain eu très froid ! Je ne saurais dire si c'est grâce à la qualité des images, la confusion entre les différentes réalités apparentes ou la peur de ces espaces inconfortables qui ont donné résonnance à son oeuvre, mais je m'en sers toujours de référence à de multiples niveaux.


Son travail est à la fois objet et sujet, classique dans sa forme et baroque dans ses détails. Il donne  des informations à notre sujet, sans « nous » mettre en scène. Ses photographies sont littéraires mais convergent aussi vers le cinéma. C'est une image d'une fiction scientifique des années 1960 tout en représentant nos vies des années 1990. Lynne Cohen implique le spectateur dans ses photographies en le transportant au gymnase, dans un club, une salle d'attente. Plus on observe ses photographies, moins elles nous paraissent crédibles.


C'est pourquoi je soutiens le travail de Lynne Cohen. Ses images prennent la forme de questions à travers lesquelles elle nous emmène dans un autre monde."


"Voici certaines vérités au sujet de Lynne qui, selon moi, valent la peine d'être mentionnées.  


Lynne aimait l'étrangeté. Son travail transformait la fiction en réalité et la réalité en fiction, tout en nous montrant les insanités du monde.


Elle était irrévérencieuse, mais n'était pas méchante.


Elle était intelligente.


Elle était de gauche et avait tendance à s'indigner face à la stupidité des hommes de pouvoir.


Elle n'était pas mécontente de vivre au Canada mais restait insatisfaite que le dollar canadien ne valle pas le dollar américain.


Elle adorait Montréal car elle pouvait parler français.


Elle croyait secrètement qu'elle était française.


Elle pensait toujours à plusieurs choses en même temps ce qui l'empêchait souvent de finir ses phrases.


Elle transformait les mots en sons et les sons en mots.


Elle aurait aimé que les muffins à la myrtille soient moins caloriques.


Elle faisait beaucoup de sport.


Elle aimait la vie.


Elle était généreuse.


Elle adorait Andrew.


Et nous pouvons tous affirmer qu'elle était une merveilleuse amie pour chacun d'entre nous."